Stéphanie Roussel


Recherche

Les recherches que j'ai menées jusqu'à aujourd'hui concernent deux domaines de l'Intelligence Artificielle à savoir la représentation des connaissances et l'optimisation de problèmes sous contraintes. Pour chacun de ces domaines, je détaille dans les parties qui suivent mes différentes contributions.

Représentation des connaissances

La thèse que j'ai effectuée à l'ONERA de 2007 à 2010 sous la direction de Laurence Cholvy s'intitule "Apports de la logique mathématique pour la modélisation de l'information échangée dans des systèmes multi-agents interactifs". L'objectif principal était de formaliser un certain nombre de concepts autour de l'échange d'information dans des systèmes multi-agents. Je me suis plus particulièrement intéressée à deux attitudes sociales des agents pour lesquelles l'échange d'information est central : le caractère coopératif d'un agent et le caractère obéissant d'un agent.

Tout d'abord, lors de l'échange d'informations entre agents, il est souhaitable que les agents aient un comportement coopératif. C'est notamment le cas lorsque le système doit atteindre un but global. Intuitivement, être coopératif dans son échange d'information signifie transmettre les informations qui serviront aux autres, qui leur seront utiles. Cette définition, même informelle, pose plusieurs questions : qu'est ce qu'une information utile pour un agent ? Pourquoi est elle utile ? Comment un agent sait-il qu'une information sera utile à l'autre ? Pour traiter ces questions, j'ai établi une liste des propriétés qui doivent être respectées pour ces concepts dans le cadre d'agents qui échangent des informations. Puis, j'ai défini une logique multimodale permettant d'exprimer formellement quelles sont les informations utiles pour un agent étant donné un besoin en information de celui-ci. A partir de ces travaux, j'ai travaillé sur la notion d'agent coopératif et j'ai proposé plusieurs définitions de ce concept, toujours dans la même logique. Finalement, j'ai vérifié que les définitions proposées vérifiaient les propriétés fixées.

La deuxième problématique concerne le caractère obéissant des agents. Dans la plupart des systèmes multi-agents, les échanges d'informations sont régulés par des politiques qui réglementent quelles informations doivent, peuvent ou ne doivent pas être échangées entre des agents et sous quelles conditions. Obéir à une politique signifie mettre en oeuvre l'attitude prescrite par la politique. Cela implique que la politique prescrive dans toute situation exactement une attitude que doivent avoir les agents. La propriété correspondant au fait que la politique ne prescrive pas plus d'une attitude est la cohérence, celle correspondant au fait qu'elle en prescrive au moins une est la complétude. J'ai travaillé sur ces deux propriétés. Plus précisément, j'ai défini une logique déontique du premier ordre pour représenter les réglementations et j'ai ensuite caractérisé formellement les propriétés de cohérence et de complétude. J'ai finalement proposé une méthode basée sur la logique des défauts pour compléter de manière cohérente les politiques incomplètes.

Mes travaux de thèse ont donné lieu à des publications dans des revues et des conférences internationales et nationales. La liste de ces publications est donnée en annexe de ce document.

Depuis mon arrivée au CRIL, je poursuis mon travail sur ces problématiques. Tout d'abord, j'ai étendu le travail sur les réglementations en prenant en compte les contraintes d'intégrité. Je me suis également intéressée au cas où l'on demandait aux agents d'être à la fois coopératifs et obéissants. Ces travaux ont été soumis à une conférence internationale (ECAI) pour les premiers et publié en conférence nationale pour les seconds.

J'ai également travaillé avec Sébastien Konieczny sur l'utilisation de la valeur de Shapley pour l'analyse et la localisation de l'incohérence dans les bases de croyances. Plus précisément, nous avons mis en oeuvre les travaux qu'il a réalisés avec Anthony Hunter. J'ai ainsi développé un outil qui, étant donnés un ensemble de croyances, associe une mesure d'incohérence à chacune des formules de la base et offre ainsi des possibilités de fusion, révision et négociation.

Finalement, j'ai commencé à travailler avec Pierre Marquis et Tiago de Lima sur la réalisation d'un joueur de Cluedo. Le joueur devra maintenir à jour son état de connaissances sur la distribution des cartes en fonction des différentes actions effectuées. Il jouera également de manière à apprendre le plus possible du jeu des autres tout en dévoilant le moins possible son jeu. Outre un jeu sur la connaissance, le Cluedo intègre également un jeu de plateau. Cela signifie qu'il faut prendre en compte une forme d'incertitude sur les actions. Les différentes opérations décrites précédemment devront pouvoir être calculées rapidement pour que le joueur réalisé puisse jouer avec d'autres.

Problèmes d'optimisation sous contraintes

Mon poste actuel m'a permis d'appréhender de nouvelles problématiques de recherche. Je travaille notamment avec Pierre Marquis sur le projet interne Tech-A-Way qui intervient dans le cadre de l'implantation du musée du Louvre à Lens (ouverture prévue pour décembre 2012). Il s'agit de réaliser un configurateur de visites, c'est-à-dire un outil qui, étant donnés certaines préférences et certains critères sélectionnés par un visiteur (via un site web ou un smartphone), propose à ce visiteur un parcours de visite (choix des oeuvres face auxquelles s'attarder) de ce musée répondant au mieux à ces préférences et critères. Ce problème se place dans le cadre plus général de l'optimisation sous contraintes puisqu'il faut maximiser la satisfaction du visiteur tout en respectant ses contraintes. Le nombre de parcours possibles dans un musée étant très important, il faut optimiser la recherche. Cela se traduit notamment d'abord par une modélisation originale du problème et des codages "malins" permettant au solveur de mener une recherche plus efficace.

Ayant choisi de modéliser le problème avec des variables booléennes, nous pouvons utiliser la librairie de solveurs de satisfaction et optimisation pour Java Sat4j développée par Daniel Le Berre et Anne Parrain. Les instances du problème de musée étant relativement dures, elles offrent une possibilité d'étudier le comportement des différents solveurs et éventuellement de créer des heuristiques plus adaptées. Pour étudier le comportement des solveurs de Sat4j, j'ai mis en place un outil qui permet de visualiser différents paramètres du solveur en temps réel. Cet outil permet également de modifier les heuristiques et stratégies du solveur en temps réel. Ainsi, sur une instance donnée, il est possible de voir comment la recherche évolue et de déterminer ainsi les stratégies les plus efficaces. Cet outil nous offre une possibilité de valorisation industrielle particulièrement intéressante car il est utilisé par l'ONERA pour répondre à un projet d'Airbus.

Toujours dans un souci de rendre la recherche de solution plus efficace, je travaille avec Daniel Le Berre sur un solveur SMT (Satisfiability Modulo Theory) basé sur Sat4j. Comme son nom l'indique le solveur SMT utilise à côté du solveur de base une théorie qui permet de juger de la cohérence d'une solution trouvée. La théorie permet également de guider la recherche en indiquant sur quelles variables les décisions doivent porter, d'ajouter des contraintes, etc. Par exemple, dans le cas du musée, les variables qui doivent être privilégiées pour la décision sont celles portant sur les oeuvres.