Produire des connaissances nouvelles en matière de justice juvénile et de santé mentale

Le projet ERA vise à combler deux lacunes majeures dans les politiques publiques en faveur de la jeunesse au Sénégal : la justice juvénile et la santé mentale des jeunes. Toutes ces recherches sur la justice juvénile et la santé mentale des jeunes seront réalisées par une équipe pluridisciplinaire, composée de chercheurs (CNRS, IRD, ISED), de praticiens du droit et de la santé, d’une organisation de la société civile, l’Association Pour le Sourire d’un Enfant (APSE) et des acteurs du Ministère de la Justice du Sénégal.

Promouvoir une justice juvénile plus éducative et moins répressive

Si de nombreux travaux se sont intéressés à l’enfance en danger peu d’études ont porté sur la situation des mineur-e-s en contact avec les systèmes judiciaires, et encore moins sur les mineur-e-s en détention. Cette asymétrie est en partie due à la difficulté d’accès aux données judiciaires.

Les partenaires du projet ERA réunissent les conditions pour dépasser cette difficulté. La justice constitue l’une des priorités de l’accord de siège entre l’IRD et l’État du Sénégal. Et, l’APSE dispose d’un agrément du ministère de la justice depuis 1999. Ce cadre institutionnel ouvre l’accès aux données des judiciaires. Il s’agit de bases de données fiables pour analyser les caractéristiques sociodémographiques des mineur-e-s et apprécier la réponse pénale, en considérant 3 instants clés de la procédure : la décision de poursuite, le choix du mode de poursuite et la décision de justice.

Le projet ERA propose d’interroger ces données judiciaires afin d’apporter des connaissances nouvelles. Concrètement, il s’agit de : (1) évaluer le nombre de mineur-e-s en contact avec les systèmes judiciaires, décrire leurs caractéristiques sociodémographiques et comprendre les logiques familiales, sociales et politiques qui fondent leurs vulnérabilités ; (2) analyser les fondements de la réponse pénale apportée par les Tribunaux pour Enfants ; (3) formuler les principes d’une justice juvénile qui permettent de traiter les causes profondes et d’explorer de nouvelles réponses, plus éducatives que répressives.

L’objectif est de promouvoir une justice juvénile plus attentive aux problématiques actuelles de la jeunesse et conforme aux évolutions des droits de l’enfant. D’un point de vue plus politique, il s’agit également de sortir la justice juvénile de sa condition de « justice mineure ».

Ouvrir l’offre de santé mentale aux mineur-e-s en contact avec les systèmes judiciaires

La santé mentale au Sénégal, comme dans la majorité des pays d’Afrique sub-saharienne, constitue un champ de recherche et d’action peu investi par les acteurs du développement. Les recherches consacrées à la santé mentale sont qualifiées de « rares, lacunaires et inefficaces » (Saxena et al. 2007). Le Sénégal n’échappe pas à cette situation. Dans ce contexte la production et la valorisation de données existantes permettant d’identifier, de décrire et d’analyser des problèmes de santé mentale constituent un apport fort. Cet apport est de surcroît significatif lorsqu’il concerne la population des mineur-e-s compte tenu du poids des jeunes dans la démographie du Sénégal.

C’est ce que peut apporter le projet ERA en s’appuyant sur les bases de données réunies par l’Association Pour le Sourire d’un Enfant, depuis 1998, selon des protocoles scientifiques. L’échantillon retenu porte sur la période 2012-2021. Les bases de données ont une profondeur historique et elles rassemblent prêt de 5 000 mineur-e-s, originaires de toutes les régions du Sénégal et d’autres pays de l’Afrique subsaharienne. En cela, l’échantillon consacré à la production de connaissances nouvelles est représentatif de la diversité des transformations sociales qui traversent la société sénégalaise et la jeunesse en particulier.

L’analyse reposera sur une méthodologie empruntée à l’Intelligence Artificielle (IA), la recherche de co-occurrentes, qui permet d’identifier des enchaînements de séquences dans le parcours de chaque individu. L’objectif est de repérer à titre prédictif les risques et les ruptures dans un parcours de vie ainsi que leurs conséquences sur le devenir familial, scolaire et social des mineur-e-s. Autant d’éléments qui impactent leur santé mentale et ont des incidences sur leur développement personnel.

Cette recherche permettra ainsi : (1) l’objectivation des déterminants théoriques existants (OMS) et l’élaboration de nouveaux plus adéquats ; (2) la création d’un module psychothérapeutique qui enrichira la méthode Escrime et Justice réparatrice ; (3) le renforcement des capacités des éducateur-trice-s de la DESP, des personnels pénitentiaires et des éducateur-trice-s de l’APSE, susceptible d’être élargi à d’autres institutions et d’autres OSC du Sénégal.

Le projet ERA vise ainsi à renforcer les connaissances des acteurs judiciaires, médicaux et de la société civile. L’objectif est de sortir de l’ombre la justice juvénile et la santé mentale des jeunes afin que l’une et l’autre soient considérées comme des priorités dans les politiques publiques en faveur de la jeunesse du Sénégal.

Financement : Agence Française de Développement (Initiative OSC-NIONG). Co-financement Open Society West-Africa, Fondation Société Générale.

Partenaires : APSE (Association Pour le Sourire d’un Enfant, Sénégal), CEPED (IRD-Paris Cité), CRIL (CNRS-Université d’Artois), ISED (Université Cheikh Anta Diop), Ministère de la Justice du Sénégal.


Responsable scientifique pour le CRIL :
Durée :
2022-2025